How to implement it ? Comment la rendre active ?

lundi 26 octobre 2009

L’ Adolescent face à l’ érotisation de notre société contemporaine.





Objet : conférence du vendredi 30 octobre 2009

 
Chers amis,
L' Association vaudoise de Parents chrétiens a le plaisir de vous inviter à la conférence que donnera le pasteur Jan Bert de Mooij, ce vendredi 30 octobre à 20 heures précises à la salle Helvetia, au deuxième étage du Restaurant du Vieux Lausanne, rue Pierre Viret 5 à Lausanne (sous la Cathédrale, Parking La Riponne), sur le thème :

L' Adolescent face à l' érotisation de notre société contemporaine.

Nous vous encourageons vivement, vu l'actualité de ce défi tant pour la jeunesse que pour les parents, à y venir nombreux. Faites connaître cette conférence en transmettant largement notre invitation au tour de vous. N'hésitez pas à y inviter vos amis. L'entrée en est gratuite.
Bonne semaine et à bientôt.
Amitiés,
Jean-Marc Berthoud

La vocation au mariage, source des autres vocations.

« Le mariage est un grand sacrement», a dit l'apôtre saint Paul.

Des sept sacrements de l'Église, trois seulement se donnent à l'autel, au foyer même du sanctuaire : l'eucharistie, l'ordre et le mariage. Tous les trois donnent la vie de l'âme. De plus, par le mariage les époux reçoivent une parcelle de la puissance créatrice de Dieu pour transmettre la vie corporelle. Nicolas était profondément pénétré de la sainteté et de la grandeur de ce sacrement. Aussi lun amour déréglé ne vint jamais flétrir les coeurs si purs de ces deux époux : ni l'un ni l'autre n'ont jamais porté la moindre atteinte à la sainteté de leur union. Jamais mariage ne fut plus heureux ; c'était à qui surpasserait l'autre en amour, en pureté, en vertu. Nicolas ne perdit donc rien dans le mariage de la charité qu'il avait pour son Dieu ; au contraire, son nouvel état semblait avoir acquis au Christ deux coeurs pour l'aimer. « Nicolas eut même bientôt plusieurs autres coeurs pour l'aider à aimer Dieu », car de nombreux enfants naquirent de son mariage cinq garçons et cinq filles. Deux moururent en bas âge ; ce furent deux petits anges, protecteurs de la famille près du trône de Dieu. Telle est la pensée consolante des parents qui pleurent ces petits êtres ; les louanges que ceux-ci adressent à Dieu dans le ciel sont comptées comme mérites pour leur père et mère. Qu'on juge dès lors de la somme de mérites, de louanges, d'adoration et de prières qui entourent le trône de Dieu, et descendent, par l'intermédiaire de ces petits anges, sur les générations qui se suivent au cours des siècles ! Aujourd'hui encore la famille du bienheureux Nicolas de Flue se survit et compte des représentants dans les ordres, dans la magistrature, parmi les travailleurs de la terre. Dans les saints Livres, le juste est comparé au palmier planté au bord des eaux et dont la frondaison magnifique s'étend su loin. De vrai, le bienheureux Nicolas de Flue est ce palmier toujours vert et florissant dans les jardins du paradis. Voilà comment Dieu bénit les familles nombreuses.

Oui, dira-t-on peut-être, mais la famille de Flue était riche et le pain ne risquait pas de manquer un jour au foyer domestique. C'est vrai, mais pour l'ouvrier, pour l'humble travailleur, la Providence est bonne et Celui qui nourrit des petits oiseaux du ciel ne laisse pas mourir de faim les enfants dans les berceaux. A famille nombreuse, bénédictions nombreuses.

Malheur par contre, trois fois malheur, à qui exploite le pauvre chargé d'enfants en lui donnant un salaire dérisoire ! Malheur au propriétaire qui lui refuse un gîte dans sa maison sous le prétexte sacrilège qu'il a trop d'enfants !

Marie et Joseph, eux aussi, frappèrent à cent portes diverses à leur arrivée à Bethléem ; il n'y avait pas de place pour eux ; ils étaient trop pauvres. Mais l'étable de Bethléem est devenue le sanctuaire le plus sacré de la terre. C'est là qu'est né le Sauveur du monde.

Nicolas fut guidé visiblement par la main de Dieu dans l'éducation de ses enfants. « Il a élevé des enfants semblables à lui par leur vie, leurs moeurs et leurs vertus », nous disent ses historiens. Travail et prière, telle était la consigne. Avec cela, beaucoup de bonté, de douceur, de support mutuel. Les loisirs que laissait le travail des champs étaient partagés entre d'honnêtes délassements et des entretiens édifiants. Le père n'abandonna rien de ses pratiques de piété et de mortification. Il donna toujours à sa famille l'exemple de la plus haute perfection. Jean, son fils aîné, nous assure que son père se levait chaque nuit pour prier ; que ses travaux à la campagne commençaient et finissaient par l'oraison. Voici quelques-unes de ses prières favorites :

« O Seigneur, enlevez tout ce qui m'éloigne de vous ! — O Seigneur, faites-moi don de ce qui mène à vous ! — O Seigneur, enlevez-moi à moi-même et donnez-moi tout à fait à vous !»

Une vie aussi sainte que celle de Nicolas ne devait pas faire le compte du démon, ce grand ennemi des âmes. Aussi, nombreux furent les assauts et les tentations qu'eut à subir cet homme de Dieu. Toujours il en triompha par la prière. Encore ici, une leçon pour nous. Les saints ont été tentés comme nous le sommes. Saint Paul s'en plaignait au bon Dieu. « Ma grâce te suffit », lui fut-il répondu. Un jour que l'un des enfants de Nicolas accourait vers son père en disant que le démon voulait le dévorer, il lui répondit tranquillement : « N'aie pas peur, mon enfant ; le démon ne peut qu'aboyer, il ne peut pas mordre. Si son désir de nous nuire est grand, son pouvoir est petit. »

Ces paroles ne nous rappellent-elles pas celles de saint Jean Chrysostome : « Le démon est un chien enragé, mais il est enchaîné » ? Ne nous en approchons pas, et laissons-le aboyer !


Importance des familles heureuses pour la paix mondiale:

Le secret le mieux gardé du monde: l'homme mâle souffre de plus de troubles de santé émotionnelle, psychosomatique ou physiologique quand il est privé de relation intime affectueuse que la femme vivant la même situation.
Si la partenaire, trop souvent devant des témoins ( le pire devant les enfants ), commence à se disputer ou à critiquer l'autre, l'effet est dévastateur. La victime se trouve émotionnellement cassée et subit alors une souffrance qui perdure des heures, voire des jours ou des années, ce qui amène à des violences, des douleurs psychiques et même des maladies, la pire étant le manque total de signes d'affections pour les autres.
 

La Bible affirme que la colère n'est pas en elle-même un péché (Éphésiens 4.26, Nouvelle Bible Ségond), mais elle ajoute: « Que le soleil ne se couche pas sur votre irritation. » L'écoute active peut donc participer au raccommodage d'une relation, après le conflit. Pour autant, il nous faudra sans doute pardonner, tant notre partenaire que nous-même, pour les imperfections de notre gestion des désaccords. La réconciliation est alors indispensable pour retrouver l'équilibre.


Jean-Paul II est connu pour avoir enseigné la théologie du corps : il déclare que le rapport sexuel chaste entre les époux chrétiens est comparable à l'adoration eucharistique.

La théologie du corps de Jean-Paul II (par Yves Semen)

Le 5 février 2005, Yves Semen donnait un enseignement aux jeunes participant à la soirée "l'amour vrai attend" organisée à Vétroz (VS). Yves Semen est docteur en Philosophie de l'Université de Paris-Sorbonne, directeur de l'Institut européen d'études anthropologiques Philanthropos à Fribourg (Suisse), et professeur à la Faculté Libre de Philosophie (IPC-Paris). Il est également l'auteur de La sexualité selon Jean-Paul II, Ed. Presses de la Renaissance, 2004.

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La bonne nouvelle de l'Église sur le corps et la sexualité

Le thème qui vous rassemble aujourd'hui est le signe que, en tant que chrétiens, vous avez le sentiment d'être appelés à quelque chose de grand et de beau à travers le fait que vous êtes homme et femme, c'est-à-dire à travers votre sexualité. Vous avez raison! Et vous prouvez un certain courage... Car toute la culture médiatique actuelle porte à penser que l'éthique chrétienne s'oppose à l'épanouissement de la sexualité.

Parmi tant d'autres, je vous cite Gilbert Tordjman dans un livre à grand succès: "Le christianisme, qui ne tolère la sexualité que comme un pis aller nécessaire à la reproduction, circonscrit le corps méprisé dans un halo de honte et de culpabilité" (in Réalités et problèmes de la vie sexuelle, Ed. Hachette 1981). C'est tout dire...

Là contre, le Cardinal Lustiger s'est élevé avec force et je vous rapporte ses paroles dans une interview donnée à un grand hebdomadaire: "Le christianisme a toujours défendu la dignité du corps. Or curieusement on lui fait le reproche de mépriser le corps. C'est le confondre avec le puritanisme anglo-saxon! Un tel mensonge ne peut pas durer éternellement."

Ce mensonge, je vous propose qu'ensemble, nous tentions de le dénoncer aujourd'hui.

Car le christianisme est une religion du corps. Celse — un philosophe du premier siècle, néoplatonicien et qui à ce titre ne tenait pas le corps en grande estime — ne s'y était pas trompé, qui désignait les chrétiens de manière méprisante par le sobriquet de " philosomaton genos" c'est-à-dire "le peuple qui aime le corps".

Oui, notre religion est une religion du corps car elle est fondée sur l'Incarnation dans la chair du Verbe de Dieu. Comment dès lors pourrait-elle mépriser le corps?

Notre religion n'est pas une religion de l'immortalité de l'âme. Pour affirmer l'immortalité de l'âme, il n'y a d'ailleurs pas besoin d'une religion révélée. Une bonne philosophie y suffit.

Ce que nous attendons — c'est l'espérance que nous affirmons à chaque fois que nous récitons notre Credo — c'est la résurrection des corps. Et un corps n'est pas corps sans être sexué.

C'est le grand mérite de Jean-Paul II d'avoir donné à l'Église une "théologie du corps" qui constitue un événement théologique qui — paradoxalement — est passé presque totalement inaperçu.

En 1966, dans un discours mémorable à l'ONU, Paul VI n'avait pas hésité à affirmer que l'Eglise était "experte en humanité". Depuis la théologie du corps de Jean-Paul II, on ne doit pas craindre d'affirmer que l'Eglise est aussi "experte en sexualité".

Le monde ne le sait pas et s'obstine à faire de Jean-Paul II le "père fouettard" de la sexualité. Ce n'est pas toujours par malveillance, mais le plus souvent simplement par ignorance de ce qui constitue le plus vaste enseignement jamais délivré par un pape sur un même sujet.

A cet enseignement Jean-Paul II a consacré toutes les audiences hebdomadaires du mercredi durant plus de cinq années au début de son pontificat, très exactement du 5 septembre 1979 au 28 novembre 1984. Il n'a interrompu cet enseignement que durant quelques mois après l'attentat du 13 mai 1981 et durant l'Année Sainte de la Rédemption 1983.

Au total cet enseignement représente pas moins de 129 discours et près de 800 pages de texte. Il a été qualifié de "Magistère génial de Jean-Paul II" par le Cardinal Angelo Scola alors qu'il était Recteur de l'Université Pontificale du Latran et de "bombe à retardement théologique" par George Weigel, à qui l'on doit la biographie la plus autorisée et la plus complète du pape. Et George Weigel ajoutait que cette théologie du corps "sera probablement regardée comme un tournant, non seulement dans la théologie catholique, mais aussi dans l'histoire de la pensée moderne" (Jean-Paul II, Témoin de l'espérance, p. 427)

Ce sont quelques aperçus de cet enseignement que je voudrais vous dévoiler car il constitue — pour reprendre le titre d'un ouvrage de Christopher West publié aux USA sur la question — "une bonne nouvelle sur le mariage et la sexualité".

1. Jean-Paul II, "amoureux" de l'amour humain

Mais tout d'abord permettez-moi de vous dire quel pape nous avons: un pape amoureux de l'amour humain! Voyez comme il s'exprimait dans son ouvrage Entrez dans l'Espérance: "il faut préparer les jeunes au mariage, il faut leur parler de l'amour. L'amour ne s'apprend pas, et pourtant il n'existe rien au monde qu'un jeune ait autant besoin d'apprendre! Quand j'étais un jeune prêtre, j'ai appris à aimer l'amour humain. C'était un des thèmes sur lesquels j'ai axé tout mon sacerdoce, mon ministère dans la prédication, au confessionnal et à travers ce que j'écrivais." (p. 192)

1.1. L'activité pastorale de Karol Wojtyla

De cet amour de l'amour humain, il a donné la preuve à travers toute son activité pastorale depuis son ordination le 1er novembre 1946. Je ne vous en donne que quelques aperçus significatifs.

Après un séjour à Rome pour achever ses études, il est nommé en mars 1949 à la paroisse Saint Florian de Cracovie. Immédiatement, il crée le premier programme de préparation au mariage de toute l'histoire de l'archevêché de Cracovie. Les résultats ne se font pas attendre: au cours des 28 mois qu'il passera à Saint Florian, il célébrera quelque 160 mariages, soit entre un et deux par semaine!

C'est aussi à Saint Florian qu'il fonde le "Srodowisko" à partir de 1951, c'est-à-dire le "réseau" qui constituera en quelque sorte sa "paroisse itinérante" à travers des camps de ski l'hiver et de kayak l'été. Ce réseau, constitué de personnes de toutes conditions, il ne cessera de l'animer jusqu'en 1978, lorsqu'il sera élu à la charge de Pierre. Au total 27 années d'une expérience pastorale hors du commun. Karol Wojtyla accompagne spirituellement les membres de ce réseau, les aide à discerner les appels du Seigneur sur eux, les prépare au mariage, les accompagne dans l'éducation de leurs enfants. Les camps itinérants sont l'occasion d'aborder les questions éthiques, y compris en toute liberté et sans fausse pudeur celles qui concernent l'éthique sexuelle et la régulation de la fertilité. Des membres du Srodowisko, Jean-Paul II pourra dire: "Je l'ai déjà dit: ce sont eux qui ont assuré ma formation dans ce domaine." ( Entrez dans l'espérance, p. 301). Quelle humilité à une époque qui était encore largement teintée de cléricalisme et qui — le Concile de Vatican II n'avait pas encore eu lieu — n'avait pas encore donné toute leur place légitime aux laïcs dans l'Eglise!

Cette expérience pastorale de Karol Wojtyla se forge aussi à travers son ministère de professeur d'éthique et d'aumônier d'étudiants. Nommé en 1956 titulaire de la chaire d'éthique de l'Université Catholique de Lublin (KUL), il assumera cette charge, malgré toutes ses autres responsabilités pastorale d'évêque puis d'archevêque jusqu'à son élection au trône pontifical, soit durant 22 ans.

Ajoutons, pour brocher sur le tout, que comme archevêque, il prend l'initiative de créer en 1967 un cours intensif d'un an sur la préparation au mariage qui devient en 1969 un Institut archidiocésain d'études familiales, affilié ensuite à la Faculté de théologie pontificale, cet institut offrant un cycle formation de 2 ans à 250 étudiants par promotion, étudiants qui sont aussi bien des prêtres, des séminaristes ou des laïcs.

1.2. L'œuvre théâtrale et philosophique

De cette passion pour l'amour humain, Karol Wojtyla en donne aussi la preuve à travers ses œuvres théâtrales et philosophiques.

Si on sait parfois que Karol Wojtyla a été acteur dans sa jeunesse et a nourri une véritable passion pour le théâtre qu'il sacrifiera à sa vocation sacerdotale, on ignore le plus souvent qu'il est aussi l'auteur de pièces de théâtre. Parmi celles-ci La Boutique de l'orfèvre qui paraît en 1960 dans la revue Znak sous le peudonyme de André Jawien. Jean-Paul II dira plus tard que c'était pour lui une manière de payer sa dette aux membres du Srodowisko pour tout ce qu'ils lui avaient apporté pour comprendre la vocation au mariage.

Dans cette pièce Karol Wojtyla manifeste une compréhension des tourments de l'âme humaine dans le mariage autant qu'il est possible à un célibataire et il s'y révèle une première proposition théologique capitale: le mariage est le commencement de notre compréhension de la vie intérieure de Dieu en qui les personnes sont don absolu d'elles-mêmes. En d'autres termes, le mariage est l'expérience humaine privilégiée par laquelle l'être intime de Dieu se révèle à nous.

La même année 1960 paraît son premier ouvrage: Amour et responsabilité. Rien que le titre en dit assez sur ce qui fait le fond de la réflexion de Karol Wojtyla. Son intuition de départ dans cet ouvrage est que dans le contexte des années soixante, les hommes et les femmes n'accepteraient plus les règles de la morale traditionnelle telles qu'elles étaient formulées jusqu'à lors en termes de permis/défendu, mais à partir d'une réflexion sur la personne qui permette de comprendre le fondements des règles éthiques. En d'autres termes il voyait poindre une remise en cause généralisée de la morale et spécialement de la morale sexuelle à laquelle il ne serait possible d'échapper que si on était capable de montrer les règles morales comme un itinéraire les conduisant vers une plus grande réalisation de soi-même, vers un plus grand épanouissement de la personne.

C'est dans cet ouvrage qu'apparaît ce qu'il appelle la "norme personnaliste": aimer s'oppose à utiliser. Lorsque j'ai en face de moi une personne, il ne peut être question — sauf à la faire déchoir de son statut de personne — de l'utiliser. Utiliser l'autre c'est en faire un objet, c'est dégrader la personne du rang de sujet à celui de chose. D'où tout le problème de l'éthique sexuelle: comment goûter le plaisir sexuel qui est bon et légitime sans faire de l'autre l'objet de ma satisfaction.

Karol Wojtyla prendra soin de soumettre le premier jet de l'ouvrage à la discussion d'étudiants en philosophie, psychologie et médecine durant l'été 1957 à la faveur d'un camp de vacances dans la région des lacs du Nord-Est de la Pologne. Le texte avait été distribué au préalable et chaque jour à tour de rôle, tel ou tel des participants présentait un chapitre qui était ensuite soumis à la discussion du groupe. Cette méthode est révélatrice de l'esprit de Karol Wojtyla: il n'y a rien de dogmatique ou d'a priori chez lui. Au contraire, il veut savoir si ce qu'il écrit se comprend au plan pratique et rejoint le concret de l'expérience des personnes.

Une anecdote est particulièrement révélatrice de son état d'esprit. La version polonaise de l'ouvrage comprenait un appendice intitulé "Sexologie et morale". Lorsqu'il s'est agi de publier la traduction française de Amour et responsabilité, c'est le Père de Lubac qui avait été pressenti pour en rédiger la préface. Mais certains se sont sentis bien avisés de lui suggérer de demander que l'appendice en question soit retiré de l'édition française au motif que les questions qui y étaient abordées étaient tellement concrètes qu'elles semblaient en deçà de la dignité des prêtres et des évêques. A cela Karol Wojtyla s'est opposé farouchement en affirmant que les pasteurs devaient pouvoir parler avec simplicité du désir et de la satisfaction sexuelle avec leurs fidèles, sauf à ne pas être à la hauteur des exigences de leur mission. Et que s'il se trouvait des prudes pour s'en offusquer, c'était tant pis pour eux!

2. Aperçus sur la théologie du corps

De cette théologie du corps, Jean-Paul II dit: "Ceux qui cherchent dans le mariage l'accomplissement de leur vocation humaine et chrétienne sont appelés à faire de cette théologie du corps dont nous trouvons l'origine dans la Genèse la substance même de leur vie et de leur comportement." (Audience du 02/04/1980). Et il ajoutera: "Cette théologie-pédagogie constitue le noyau essentiel de la spiritualité conjugale" (Audience du 3/10/1984)

Théologie du corps? De quoi s'agit-il?

C'est au cours de l'audience générale du 5 septembre 1979 que Jean-Paul II annonce son intention de consacrer désormais les audiences du mercredi à un enseignement thématique suivi, sans autre ambition énoncée que "d'accompagner pour ainsi dire de loin les travaux de préparation du synode". Il s'agissait du synode sur la famille qui donnera lieu à l'exhortation Familiaris consortio. C'est là un changement des habitudes. Ces audiences générales avaient été instituées par Pie IX en 1870 comme moyen de s'adresser au peuple de Rome lorsqu'il s'était déclaré prisonnier du Vatican au moment de la conquête des Etats pontificaux. L'habitude s'en était conservée chez ses successeurs, mais si ces audiences étaient l'occasion de dispenser un message spirituel sur un ton direct et familier, elles n'était pas un vecteur de diffusion d'un enseignement doctrinal.

Au cours de l'audience suivante, le 12 septembre 1979, Jean-Paul II emploie pour la première fois l'expression "théologie du corps". C'est une expression complètement nouvelle qu'il ne définit d'ailleurs pas tout de suite: "l'expression théologie du corps que je viens d'employer mérite une explication plus nette, mais nous en parlerons à l'occasion d'une prochaine rencontre", dit-il... Le moins que l'on puisse dire c'est qu'il a l'art de ménager le suspense et que cela ne va pas sans provoquer des interrogations dans la Curie romaine... Et c'est seulement dans la dernière audience consacrée à cette "théologie du corps", plus de cinq ans plus tard, le 28 novembre 1984, que Jean-Paul II, donnera un titre à cet ensemble de catéchèses — "l'amour humain dans le plan divin" —, indiquera le plan qu'il a suivi, et dévoilera pleinement l'intention qu'il n'avait pas cessé de mettre en œuvre tout au long de ces années: donner le "cadre anthropologique adéquat" destiné à permettre de comprendre les règles de l'éthique sexuelle prônée par l'Eglise et spécialement l'encyclique Humanae Vitae, qui lors de sa parution — le 25 juillet 1968 — avait été l'occasion de bien des polémiques dont beaucoup ne sont d'ailleurs pas encore éteintes...

2.1. Le retour à "l'origine"

La théologie du corps commence par une réflexion sur les origines à partir de la réponse du Christ aux pharisiens sur la question de la répudiation:

" Des pharisiens s'approchèrent de lui et lui dirent pour le mettre à l'épreuve: est-il permis de répudier sa femme pour n'importe quel motif? Il répondit: n'avez-vous pas lu que le Créateur dès l'origine les fit homme et femme et qu'il a dit: ainsi donc, l'homme quittera son père et sa mère pour s'attacher à sa femme, et les deux ne feront qu'une seule chair. Ainsi ils ne sont plus deux, mais une seule chair. Eh bien, ce que Dieu a uni, l'homme ne doit pas le séparer. Pourquoi donc, lui disent-ils, Moïse a-t-il prescrit de donner un acte de divorce quand on répudie? C'est, leur dit-il, en raison de la dureté de votre cœur, que Moïse vous a permis de répudier vos femmes. Mais, dès l'origine, il n'en fut pas ainsi. Or, je vous dis: quiconque répudie sa femme et en épouse une autre commet un adultère." (Mt XIX 3-9)

A partir de ce passage de l'Evangile, Jean-Paul II fait d'abord remarquer que le Christ se refuse à entrer dans le jeu des pharisiens qui lui demandent finalement "comment s'arranger avec la loi". En revanche, à deux reprises, Il se réfère "à l'origine". Cette insistance n'est pas anodine. Cette "origine", c'est, dit Jean-Paul II, le temps de la "préhistoire théologique de l'homme" dont témoigne le texte sacré et révélé de la Genèse, ce "temps d'avant le temps" qui précède celui de "l'homme historique" qui est celui dans lequel nous sommes plongés depuis la chute originelle.

Ce temps de l'origine nous est "irrémédiablement perdu", ajoute Jean-Paul II mais il en demeure comme " un écho lointain" dans le cœur de tout homme et de toute femme, et il est possible d'en percevoir quelque chose à condition de s'établir dans une "pureté du cœur", celle-là même à laquelle le Christ invite les pharisiens à retrouver en évoquant leur "dureté de cœur" qui les rend incapables de comprendre le projet de Dieu aux origines sur le couple humain.

Si nous voulons approcher quelque peu ce plan de Dieu "à l'origine" sur l'homme et la femme et ce que Dieu a voulu mettre en eux à travers la masculinité et féminité, il nous faut donc suivre l'invitation du Christ, renoncer à une approche légaliste du sens de la sexualité et retrouver au fond de notre cœur cet "écho" de l'origine.

2.2. Homme et femme il les créa à son image

Des deux récits de la création que nous rapporte la Genèse, le premier est en réalité le plus récent dans sa rédaction. Il est plus élaboré et plus "théologique" que le second car il est centré sur l'œuvre de Dieu:

"Dieu dit: faisons l'homme à notre image, comme notre ressemblance, et qu'il domine sur les poissons de la mer, les oiseaux du ciel, les bestiaux, toutes les bêtes sauvages et toutes les bestioles qui rampent sur la terre. Dieu créa l'homme (ha-adam = substantif collectif = humanité) à son image; à l'image de Dieu Il le créa, homme (mâle, zakar) et femme (quebah, femelle) Il les créa. Dieu les bénit et leur dit: soyez féconds, multipliez-vous, emplissez la terre et soumettez-la, dominez sur les poissons de la mer, les oiseaux du ciel et sur tous les animaux qui rampent sur la terre (...) Dieu vit tout ce qu'il avait fait: cela était très bon. Il y eut un soir, il y eut un matin, ce fût le sixième jour." (Gn I 26-31)

Jean-Paul II fait remarquer qu'il y a une rupture dans la continuité de l'œuvre créatrice avec la création de l'homme. Pour tout ce qui précède, il est dit: "Dieu dit... et Dieu fit". Pour l'homme, Dieu dit "Faisons l'homme à notre image". Ce pluriel marque que c'est la Trinité tout entière qui est à l'œuvre dans la création de l'homme, relève Jean-Paul II, qui s'inscrit ici dans une très longue tradition d'interprétation.

Par ailleurs, il n'est mentionné aucune ressemblance de l'homme avec les autres créatures (animalia) mais seulement avec Dieu et la différence sexuelle n'est indiquée que pour l'homme et la femme. Si l'homme et la femme sont donc image de Dieu, c'est avec leur sexualité qui fait partie intégrante de la ressemblance de l'homme avec Dieu et qui est bénie de Dieu.

La première chose importante à retenir de ce récit de la création est donc que la différence sexuelle et ses signes sont à prendre du côté de la ressemblance avec Dieu et non avec l'animal. C'est un point capital: du point de vue de son "sens théologique" nous ne devons pas chercher à comprendre notre sexualité à partir de ce que nous constatons dans le règne animal dans lequel la sexualité est entièrement subordonnée à la reproduction et dont la sexualité humaine serait une sorte de "sublimation culturelle". Le texte de la Genèse nous invite à chercher le sens de notre sexualité dans le fait que par elle, nous sommes — en tant qu'homme et femme — image de Dieu. C'est à une sorte de retournement radical de perspective que nous invite ainsi Jean-Paul II dans l'approche qu'il fait de la réalité sexuelle à partir de la Genèse

2.3. La solitude originelle, fondement de la communion

Le second récit de la création, qui est plus archaïque, et nous présente Dieu de manière anthropomorphique, atteste d'une beaucoup plus grande profondeur subjective et psychologique. Il nous décrit la manière dont l'homme se perçoit et se comprend et en ce sens il est en quelque sorte le premier témoignage de la conscience humaine.

"Au temps où Yahvé Dieu fit la terre et le ciel (...) il n'y avait pas d'homme pour cultiver le sol. Alors Yahvé Dieu modela l'homme avec la glaise du sol, il insuffla dans ses narines une haleine de vie, et l'homme devint un être vivant. (...) Yahvé Dieu dit: Il n'est pas bon que l'homme soit seul. Il faut que je lui fasse une aide qui lui soit assortie. Yahvé Dieu modela encore du sol toutes les bêtes sauvages et tous les oiseaux du ciel, et Il les amena à l'homme pour voir comment celui-ci les appellerait: chacun devait porter le nom que l'homme lui aurait donné. L'homme donna des noms à tous les bestiaux, aux oiseaux du ciel et à toutes les bêtes sauvages, mais, pour un homme, il ne trouva pas d'aide qui lui fût assortie." (Gn II 4-21)

L'homme qui est modelé à partir de la glaise du sol est désigné dans le texte hébreu par le terme ha adam . C'est un substantif collectif qui ne fait pas mention du sexe. Pour éviter toute équivoque, on devrait le traduire par "l'Homme" ou "l'Humain". C'est cet Humain qui va faire l'expérience de la "solitude originelle".

Yahvé affirme qu'il n'est pas bon que l'Humain soit seul, mais la création de la femme n'intervient pas tout de suite: Yahvé fait faire à l'Homme l'expérience de sa solitude ontologique

L'expérience de la solitude se creuse en l'homme par le fait qu'il connaît toute la nature de manière parfaite et en quelque sorte "de l'intérieur". Cela est attesté par le fait qu'il nomme tous les animaux et cultive le sol. Il est donc capable de gouverner parfaitement la nature et il découvre qu'il est le seul à pouvoir le faire et qu'ainsi il est établi dans un état de perfection très au-dessus de tous les autres êtres de la nature. Cette perfection n'est pas seulement de degré, c'est une perfection ontologique par laquelle il se sépare de tout ce qui existe à lui dans la création.

Et pourtant il ne découvre pas "d'aide qui lui fut assortie". Le terme hébreu est ezed qui signifie plus exactement un "allié qui soit son homologue en humanité". C'est pourquoi il est saisi d'une sorte de "terreur ontologique". Il se découvre par son corps et les actes qu'il est capable de poser comme un être radicalement à part dans la nature — c'est-à-dire une personne — et il aspire à trouver dans cette nature une créature qui puisse être une alliée en humanité, qui soit susceptible de partager avec lui sa condition de personne et à qui il puisse se donner — car ce qui caractérise la personne c'est qu'elle est faite pour le don — et il ne trouve aucune créature susceptible de recevoir le don de lui-même. Il s'agit donc de beaucoup plus que d'une solitude affective ou psychologique; c'est une solitude ontologique radicale dont il fait l'expérience et qui est terrifiante au sens le plus absolu du terme. C'est précisément cette solitude dont le texte sacré dit qu'elle n'est pas bonne car elle ne permet pas à l'homme d'actualiser pleinement l'aspiration profonde de son être en tant que personne.

L'expérience de la solitude est ainsi la voie qui conduit à la soif de réaliser l'unité dans la communion des personnes et le don d'elles-mêmes. C'est d'ailleurs une expérience par laquelle nous devons accepter de passer et qui s'accompagne d'une purification de l'amour lorsque nous aspirons au mariage ou au don de nous-mêmes dans la vie consacrée.

La seconde chose importante à retenir est donc que c'est par son corps que l'homme, dans l'expérience de la solitude originelle, se découvre capable d'actes personnels qu'il est le seul à pouvoir poser dans le monde visible. Jean-Paul II dit à ce propos: "Le corps, grâce auquel l'homme prend part au monde créé visible, le rend en même temps conscient d'être [`seul'. En effet, il n'aurait pas été capable d'arriver à cette conviction qu'en fait il a acquise (...) si son corps ne l'avait aidé à le comprendre, rendant la chose évidente. La conscience de la solitude aurait pu se rompre précisément à cause du corps lui-même. L'homme, adam, aurait pu, se basant sur l'expérience se son propre corps, arriver à la conclusion qu'il était substantiellement semblable aux autres être vivants (animalia). Et, comme nous le lisons, il n'arriva pas à cette conclusion: au contraire, il se persuada qu'il était [`seul' (...) L'analyse du texte yahviste nous permet en outre de rattacher la solitude originelle de l'homme à la conscience du corps par lequel l'homme se distingue de tous les animalia et se sépare de ceux-ci, et par lequel il est une personne." (Audience du 24/10/79)

C'est par son corps qu'il découvre que l'aspiration profonde de son être en tant que personne est de se donner à une autre personne semblable à lui. Sans cela il ne peut s'accomplir dans sa vocation spécifique de personne.

2.4. Le chant nuptial des origines

" Alors Yahvé Dieu fit tomber un profond sommeil sur l'homme, qui s'endormit. Il prit une de ses côtes et referma la chair à sa place. Puis, de la côte qu'Il avait tirée de l'homme, Yahvé Dieu façonna une femme et l'amena à l'homme. Alors, celui-ci s'écria [`A ce coup, c'est l'os de mes os et la chair de ma chair! Celle-ci sera appelée femme, car elle fut tirée de l'homme celle-ci!' C'est pourquoi l'homme quitte son père et sa mère et s'attache à sa femme, et ils deviennent une seule chair." (Gn II 21-24)

Jean-Paul II fait remarquer que le sommeil profond qui s'empare de l'adam n'est pas un sommeil "normal". C'est une "torpeur" qui est toujours, dit-il, le signe d'une intervention radicale de Dieu visant à créer une alliance entre Lui et l'homme.

C'est donc le moment le plus solennel de la création, celui qui va engager toute l'œuvre divine et toute l'histoire de l'humanité.

Il faut remarquer également que la femme est tirée du côté de l'homme et cela est très symbolique. Cela signifie qu'elle est son parfait homologue ontologique. D'ailleurs, en sumérien le signe cunéiforme qui signifie "côte" signifie également "vie": la femme est ainsi de la même "vie" que l'homme.

A la création de la femme Adam s'exclame: "Pour le coup, c'est l'os de mes os et la chair de ma chair! Celle-ci sera appelée femme, car elle fût tirée de l'homme ". C'est le premier chant d'amour de l'humanité qui constitue dit Jean-Paul II le "prototype" du Cantique des Cantique.

Alors sont employés les termes Ish (homme-mâle) et Isha (femme) qui attestent clairement que la femme (Isha) est tirée de l'homme (Ish).

"Et ils deviennent une seule chair": c'est au moment de cette découverte de la communion dans les corps que l'homme et la femme deviennent pleinement image de Dieu. L'acte de chair, le don des corps, qui exprime la totalité de la donation des personnes l'une à l'autre, est ce par quoi l'homme et la femme sont, dans la chair, image de la Trinité divine:

"L'homme est devenu image et ressemblance de Dieu non seulement par sa propre humanité mais aussi par la communion des personnes que l'homme et la femme forment dès le début. (...) L'homme devient image de Dieu moins au moment de la solitude qu'au moment de la communion. En effet "dès l'origine" il est non seulement une image qui reflète la solitude d'une Personne qui régit le monde, mais aussi et essentiellement image d'une insondable communion divine de Personnes." (Audience du 14/11/79). Et il ajoute, ce qui est d'une portée théologique dont nous n'avons pas fini de prendre la mesure: "Ceci va même peut-être jusqu'à constituer l'aspect théologique le plus profond de tout ce qui peut être dit sur l'homme." (Ibid.)

La troisième chose à retenir est donc que l'homme est image de la communion des personnes divines plus par la communion dont il est capable en tant que personne que par le fait qu'il est une créature douée de spiritualité. Et cette communion inclut et culmine dans la communion des corps. La sexualité est une chose foncièrement bonne: elle est ce par quoi l'homme est icône dans la chair de la communion des personnes divines

2.5. La nudité, signe de l'unité dans la communion

"Or tous deux étaient nus, l'homme et sa femme, et ils n'avaient pas honte l'un devant l'autre" (Gn II 25)

La mention de la nudité n'est pas accidentelle ni accessoire. Jean-Paul II y insiste: elle révèle un état de la conscience par rapport à la nudité du corps. Cette absence de honte correspond à l'expérience de la plénitude de la communion homme-femme. Dans l'état des origines, c'est-à-dire avant le péché originel, l'homme et la femme avaient la faculté de comprendre que leurs corps à travers tous les signes de la masculinité et de la féminité était destinés à manifester ce qu'ils étaient en tant que personnes, c'est-à-dire des êtres appelés à la communion et au don d'eux-mêmes. La plénitude de perception extérieure des corps par la nudité correspond ainsi à la plénitude intérieure de la vision de l'homme en tant qu'image de Dieu par sa capacité de communion et de don.

L'absence de honte dans la nudité indique la perception claire dans la conscience de l'homme et de la femme de la signification conjugale de leurs corps qui est fait pour signifier le don d'eux-mêmes l'un à l'autre de manière désintéressée et dans une totale transparence et à travers ce don d'eux-mêmes être image du don total des personnes qui existe en Dieu. Il n'y avait pas place dans leur conscience pour une quelconque réduction de l'autre à l'état d'objet.

C'est cette réduction de l'autre à l'état d'objet qui fait apparaître la honte dans le cœur de l'homme. Mais l'innocence des origines, avec la "pureté de cœur" qui l'accompagnait rendait impossible cette réduction à l'état d'objet. L'absence de honte est la preuve que l'homme et la femme étaient aux origines unis par la conscience du don, qu'ils avaient pleinement conscience de la signification conjugale de leurs corps qui exprime la liberté du don et manifeste toute la richesse de la personne en tant que sujet.

D'où la quatrième chose à retenir: nous avons un corps pour être don de nous-mêmes et réaliser ainsi notre vocation profonde qui est d'être image de Dieu dans le don des corps qui signifie le don de toute notre personne.

Dans l'audience du 20 février 1980, Jean-Paul II résume tout le plan de Dieu sur le corps et la sexualité humaine telle qu'elle pouvait être vécue "aux origines":

"L'être humain apparaît dans le monde visible comme l'expression la plus haute du don divin parce qu'il tient en soi la dimension intérieure du don. Et, avec elle, il apporte dans le monde sa ressemblance particulière avec Dieu (...). Ce qui reflète également cette ressemblance, c'est la conscience primordiale de la signification conjugale du corps, conscience imprégnée du mystère de l'innocence originelle. Et ainsi, dans cette dimension se constitue un sacrement primordial entendu comme signe qui transmet efficacement dans le monde visible le mystère invisible caché en Dieu de toute éternité(...). Comme signe visible, le sacrement se constitue avec l'être humain en tant que corps et par le fait de sa visible masculinité et féminité, le corps en effet — et seulement lui — est capable de rendre visible ce qui est invisible: le spirituel et le divin. Il a été créé pour transférer dans la réalité visible du monde le mystère caché de toute éternité en Dieu et en être le signe visible."

Tel était le plan de Dieu aux origines que le péché originel est venu détruire.

2.6. La désunité du péché et l'apparition de la honte

".... Ils connurent qu'ils étaient nus; ils cousirent des feuilles de figuier et se firent des pagnes." (Gn III 6-7)

Ce passage de la Genèse suit immédiatement le récit de la chute originelle et se manifeste comme sa première conséquence.

Pourquoi ce passage de la nudité dont "ils n'avaient point honte" à cette volonté de cacher leur nudité? Quelle signification de cette honte?

Il faut remarquer tout d'abord que les effets du péché originel ne sont pas d'abord par rapport à Dieu, mais par rapport à l'homme et la femme l'un vis-à-vis de l'autre: ils se cachent l'un à l'autre les signes de leur masculinité et de leur féminité. La première chose que corrompt donc le péché originel c'est l'attitude de l'homme et de la femme l'un vis-à-vis de l'autre. Le sens du don des corps est alors modifié par le changement du regard qui est porté sur lui. Ils ne comprennent plus le sens de leur corps ne voient plus dans les signes somatiques de la masculinité et de la féminité qu'une similitude avec la sexualité animale. Par conséquent, ce par quoi ils étaient image de Dieu par les signes du corps qui les révélaient comme personnes et qui étaient invitation à la communion des personnes devient à leurs yeux opaque, inintelligible, animal et honteux.

Par ailleurs l'homme et la femme perçoivent qu'ils sont susceptibles de devenir l'un pour l'autre un objet: objet de concupiscence, d'appropriation, de jouissance, de domination, etc. Alors les signes de la masculinité et de la féminité qui étaient dans l'innocence signe du don des personnes et invitation au don deviennent potentiellement des moyens d'asservissement, de captation, d'utilisation, de chosification... Nous versons alors dans l'antithèse du don.

"Une telle façon d'extorquer son don à l'autre être humain et de le réduire intérieurement à un pur "objet pour moi" devrait précisément marquer le début de la honte. Celle-ci correspond en effet à une menace infligée au don dans son intimité personnelle et démontre l'écroulement intérieur de l'innocence dans l'expérience réciproque." (Audience du 6/02/80)

Par conséquent, devant la menace possible que constitue dès lors le regard de l'autre, on se protège l'un de l'autre en camouflant les signes de la masculinité et de la féminité, car ces signes risquent de n'être plus perçus par l'autre dans l'intention des origines: le don des personnes et l'image de la communion divine à travers ce don.

2.7. Le "regard pour désirer"

"Il vous a été dit: tu ne commettras pas d'adultère. Et bien, moi je vous dit: celui qui regarde une femme pour la désirer, celui-là a commis l'adultère avec elle dans son cœur." (Mt V 27-28).

De ce passage du Sermon sur la Montagne, Jean-Paul II dit: "la signification de ces paroles est essentielle pour toute la théologie du corps contenue dans l'enseignement du Christ." (Audience du 22/10/80)

De même que dans sa réponse aux pharisiens sur la question de la répudiation , Jean-Paul II nous dit que le Christ fait ici également appel à la "catégorie du cœur" dans lequel demeure un "écho lointain" de ce qui était aux origines afin de dépasser toutes les approches légalistes des normes éthiques.

Il est clair que le désir que dénonce ici le Christ ne désigne pas l'attraction de l'homme à l'égard de la femme et réciproquement: cette attraction est bonne et voulue de Dieu. Il s'agit, dit Jean-Paul II d'un "acte intérieur bien défini": le regard "pour désirer", c'est à dire celui qui se pose sur l'autre pour se l'approprier, pour s'en servir, pour se satisfaire. Autrement dit le regard "prédateur" ou "séducteur" qui réduit l'autre à l'état d'objet de satisfaction et aboutit à la "chosification" de la personne qui, de sujet qu'elle est par essence, devient simple objet que l'on tente de s'approprier. Cet acte intérieur du "regard pour désirer" conduit ainsi à la négation de la qualité de personne chez l'autre en tant que sujet du don et aboutit à la falsification de la communion auxquelles sont appelées les personnes à travers l'attraction mutuelle. C'est pourquoi, Jean-Paul II va jusqu'à dire: "Cet adultère dans le cœur, l'homme peut également le commettre à l'égard de sa propre femme s'il la traite seulement comme objet d'assouvissement de ses instincts." (Audience du 8/10/80)

Quand il prend conscience de cet état, l'homme a tendance à accuser son corps et non pas à regarder l'état de son cœur. C'est là la source du manichéisme et de la dévaluation du sens de la sexualité qui le caractérise. Et cette réaction est aux antipodes de la manière juste et chrétienne de considérer le corps. "Alors que pour la mentalité manichéenne le corps et la sexualité constituent, pour ainsi dire, une [`anti-valeur', pour le christianisme, par contre, ils restent toujours [`une valeur trop peu appréciée'." Et Jean-Paul II de conclure sans équivoque: "La façon manichéenne de comprendre et évaluer le corps et la sexualité de l'homme est essentiellement étrangère à l'Evangile et pas le moins du monde conforme au sens exact des paroles que le Christ a prononcées dans le Discours sur la Montagne." (Audience du 22/10/80)

L'adultère "dans le cœur" contrevient à la signification conjugale du corps et le Christ appelle tout homme à la retrouver, non pas par le respect extérieur de normes légalistes mais par la purification de son cœur, c'est-à-dire par l'attitude de chasteté: "Dans le Discours sur la Montagne le Christ invite l'homme, non pas à retourner à l'état originel d'innocence — l'humanité l'a irrévocablement laissé derrière elle — mais à retrouver, sur la base des significations éternelles et pour ainsi dire indestructibles de ce qui est [`humain', les formes vives de l'homme nouveau. De cette manière se noue un lien (ou mieux, s'établit une continuité) entre [`l'origine' et la perspective de la rédemption." (Audience du 3/12/80)

Le mariage dans la lumière de la Rédemption

Nous en arrivons donc à la Rédemption.

Le premier signe que Jésus donne au début de sa vie publique — et que seul saint Jean rapporte — c'est au cours d'un repas de noces. C'était à Cana, en Galilée. A la remarque que fait la Vierge à Jésus, Celui-ci répond: "Que me veux-tu femme? Mon heure n'est pas encore venue" (Jn II 4) De quelle heure s'agit-il?

Le dernier signe que donne Jésus, c'est aussi au cours d'un repas, celui au cours duquel Il institue l'Eucharistie, et ce repas est aussi un repas de noces.

Et là Il dit — c'est le début de la grande prière sacerdotale: "Père, l'heure est venue. Glorifie ton fils." (Jn XVII 1) L'heure du Christ, c'est celle de ses épousailles avec son Eglise, consenties par le don nuptial qu'Il lui fait de son Corps et de son Sang. Jean-Paul II, commentant ce don du Christ, affirme: "le mariage ne correspond à la vocation des chrétiens que s'il reflète l'amour que le Christ-Epoux donne à l'Eglise son Epouse et que l'Eglise s'efforce de donner au Christ en retour du sien." (Audience du 18/08/1982)

C'est tout le sens du passage de cinquième chapitre de l'épître de saint Paul aux Ephésiens (Eph V) dont Jean-Paul II nous dit qu'il doit être interprété "à la lumière de ce que le Christ nous dit sur le corps humain." (Audience du 28/07/82)

Il y a un lien fondamental entre les épousailles chrétiennes et l'œuvre de la Rédemption dans laquelle le Christ s'offre à son Eglise comme un époux à son épouse. Et de même que pour les époux chrétiens la célébration de l'offrande d'eux-mêmes dans le sacrement de mariage ne s'achève que sur la couche nuptiale dans la consommation du don des corps, de même la célébration des noces du Christ et de l'Eglise ne s'achève que sur le bois nuptial de la Croix.

Parvenu au moment ultime de son offrande rédemptrice, sur le bois du supplice, Jésus peut dire alors dire "tout est consommé" car alors ses épousailles avec son Eglise sont parfaitement accomplies.

Et dès ce moment, l'Église-Épouse ne cesse de répéter au Christ-Époux la parole de toute épouse à son époux dans le don des corps qui devient, selon l'expression de Jean-Paul II "le langage même de la liturgie": Viens! Cette parole incessante, l'Église la proclame dans chaque Eucharistie qui se révèle ainsi comme le plus nuptial des sacrements. Et c'est la mission prophétique des époux que de l'incarner jusqu'au dernier jour.

Yves Semen

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